La puissance singulière de Ségolène Royal.
D'où sort cette femme politique? On est quand même en droit de se poser la question lorsqu'on regarde son parcours passé et actuel tant rien pour cette femme n'a été acquis facilement tout en portant une haute ambition pour elle et pour son pays.
Elle ne vient pas d'une grande famille bourgeoise comme la plupart des autres leaders politiques. Elle a donc du développer très tôt un intérêt certain pour l'école, pour l'éducation, pour avoir envie de s'élever au-delà de sa condition promise. Elle n'est pas non plus femme mondaine, femme de dorure, ce qui lui a valu d'être souvent à l'écart des réunions des z'influents, comme on dit. Ce qui pour envisager une ambition politique est quand même pénalisant car on a besoin de se créer des appuis pour gravir les échelons. C'est aussi une femme politique qui porte des convictions et qui les assume. Ne croyez pas c'est assez rare aujourd'hui où celui qui a de l'ambition cherche d'abord à se placer avant de défendre ses propres idées. C'est une femme qui a toujours récusé les courants du parti et qui continue de tracer cette ligne alors que le parti lui-même lui crée des embûches parfois infamantes. Enfin c'est une femme qui n'appartient pas à des réseaux de pouvoir et l'on peut voir combien c'est pénalisant au niveau des médias particulièrement.
Pourtant elle est toujours là, toujours présente dans l'actualité politique et affichant même une sérénité et une confiance en elle-même qui frise parfois le culot. Il faut être forte dans sa tête pour assurer sans ciller à la journaliste qu'elle peut gagner des primaires et "sans problème" en plus, alors que tout le monde tente de la marginaliser pour la diminuer. D'où tire-t-elle cette puissance si singulière dans un monde politique formaté à l'ambition individualiste à l'image de cette société véhiculant ses dogmes libéraux.
La communication de Ségolène Royal envers le parti solferinesque depuis la fin de la campagne des régionales va dans le sens d'une grande conciliation. A un point tel que parmi ses soutiens, dont je suis, se trouvent des voix divergentes. Comment alors que nous dénonçons cet esprit solferinesque au parti socialiste, comment envisager une unité avec lui? Ségolène Royal a du se poser la question, c'est certain, et elle a fait le choix de l'intérêt général. Clairement. Quitte à froisser quelques inconditionnels et a créer le doute. Car comment envisager que le ralliement à Solferino ne soit pas une banalisation pour elle et donc prendre le risque, en se fondant dans le moule, de disparaître peu à peu des écrans radars. La force populaire de Ségolène Royal s'est construite sur son indépendance, sa liberté qui peut laisser libre cours à sa créativité. N'est-ce pas un risque trop important? Peut-être. Mais l'objectif clairement posé est de battre sarkozy et pour cela il faudra créer les conditions d'un large rassemblement en commençant donc par rassembler le parti socialiste. Elle n'a jamais envisagée une seule seconde de se présenter contre le parti. Sauf, peut-être, s'il était visiblement déloyal et tricheur comme il a été lors du congrès de Reims.
Elle entend donc mener le combat des idées à l'intérieur même de Solferino et non plus de l'extérieur. Elle va s'impliquer dans le processus collectif jusqu'à envisager de cosigner un projet qui servirait de socle à tous les candidats. Une volonté collective qui peut créer une confusion car connaissant le rapport de force très pro-DSK à l'intérieur du bureau national du parti, on va avoir du mal à porter un projet socialiste et républicain pour le pays. En tout cas elle fait le pari de peser de tout son poids sur le projet pour l'influencer. On peut déjà dire qu'elle a réussi vu la convention portée par Moscovici qui a débouché sur le pacte présidentiel... sans le souffle qui va avec.
Enfin envisager qu'avant les primaires on puisse laisser décider les sondages pour désigner le candidat socialiste c'est assez gonflé! Mais ça rentre tout à fait dans l'esprit solferinesque qui croit toujours que ce sont les sondages qui font l'opinion. Eux qui ont tant critiqué le système en 2006 entendent bien en profiter à plein en 2011. Encore une belle cohérence de convictions et d'éthique...
Bref Ségolène Royal se jette donc dans le gueule du loup avec une confiance, une sérénité, qui peut friser parfois l'inconscience pour ses soutiens, mais qui est aussi une preuve de sa toute puissance singulière et sa foi en elle-même. Une confiance sans arrogance et sans fausse modestie. Elle est prête à accepter tous les défis collectifs qu'on lui proposera. Elle jouera le jeu jusqu'au bout connaissant pourtant bien ceux qui l'entourent. En faisant cela elle respecte profondément les militants socialistes et le parti socialiste. Comme il en a toujours été pour elle. Cette droiture dans les convictions et les positions politiques font de Ségolène Royal, incontestablement, une femme politique d'une puissance singulière dans ce monde politique.