Faut-il toujours plus d'Europe?
La construction européenne se construit sur un dogme bien établi: L'Europe est en crise? Faisons-en encore plus! Comme si le salut pour l'Europe se trouvait dans une fuite en avant inévitable. Il est interdit de tenter de remettre en cause les avancées européennes depuis 30 ans et surtout depuis le traité de Maastricht qui a pourtant accéléré le décalage existant entre la volonté des gouvernements de faire plus d'Europe et la volonté des peuples de s'en éloigner. Le fossé semble se creuser irrémédiablement entre les peuples et son élite et pourtant celle-ci continue de nous abreuver de paroles lénifiantes pour vanter cette construction européenne. Pourtant si on regarde bien autour de nous ce qui se passe on se demande comment croire en l'avenir pour les peuples? La Grèce puis l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Allemagne, la France,...bref toute l'Europe de la zone euro du moins semble s'engager dans un processus d'austérité pour les peuples avec un seul objectif commun à tous ces gouvernements: l'assainissement des dépenses publiques. A tout prix. Et c'est justement ce à tout prix qui n'est plus supportable.
La construction européenne depuis 1992 se fait sur un concept que l'on peut qualifier comme étant celui de l'ordolibéralisme. C'est dans ce cadre très strict que se construit la philosophie de l'Europe. Et dans ce cadre la lutte contre l'inflation est un dogme absolu. Or si on s'intéresse de savoir à qui profite l'inflation, on constate que précisément elle sert plutôt l'économie réelle, les travailleurs, les salariés; alors que la lutte contre l'inflation profite aux créditeurs, aux banquiers, aux détenteurs de monnaie. Voici les conséquences telles qu'admises par les économistes concernant l'inflation:
- elle pénalise
- les créditeurs qui n'ont pas réussi à se prémunir contre l'inflation
- les détenteurs de monnaie
- les exportateurs (qui auront plus de mal à vendre leurs produits plus chers) et leurs fournisseurs
- les agents victimes de l'illusion monétaire (malinvestissement, perte de pouvoir d'achat masquée par une hausse nominal du revenu...)
- elle favorise
- les débiteurs
- les créditeurs qui ont réussi à se sur-protéger contre l'inflation
- les détenteurs d'actifs (par opposition aux détenteurs de monnaie)
- les importateurs (qui vendront plus facilement les produits étrangers dont le prix n'a pas de raison d'augmenter autant) et leurs clients (qui dépenseront moins, en terme réel, pour le même produit)
- elle est relativement neutre pour
- les détenteurs de revenus indexés sur l'inflation
- les créditeurs qui se sont correctement protégés
- elle provoque des adaptations
- mouvement vers l'indexation des revenus sur l'inflation
- hausse de l'endettement (puisqu'il est plus avantageux d'être débiteur que créancier)
- investissement (arbitrage en faveur des actifs productifs et de l'endettement, contre la détention de monnaie et la situation de créancier)
- hausses préventives (des prix, des loyers, des taux de crédits, ...)
- révision des anticipations (support des demande de hausses préventives)
La construction européenne se faisant exclusivement sur ce dogme a des conséquences sur nos politiques économiques. La lutte contre les déficits publics, l'exigence de flexibilité sur nos marchés de travail pour assouplir la possibilité de "baisse des salaires", sont directement appliquées par nos gouvernements. Par la force avec leur politique dite d'austérité. Exclusivement donc pour soutenir les créditeurs qui se voient garantis la pérennité de leurs taux d'intérêts à long terme malgré les dettes publiques qu'eux-mêmes financent! La zone euro a été construite pour limiter surtout les risques d'inflation, donc les risques de perte financière pour les créditeurs. Il n'y a nulle volonté de voir émerger un gouvernement économique.
Mais maintenant que l'on observe la faillite de ce système intenable puisqu'exclusivement basée sur l'union monétaire et financière sans se soucier de l'économie réelle, on nous propose d'aller encore plus loin en nous proposant une gouvernance économique encore floue quant à son application. Vous vouliez une gouvernance économique intégrée? On va vous la faire mais on va vous la faire exactement sur le même dogme de lutte contre l'inflation. Pas de convergences économiques, de coopération sur des grands projets. Non, l'objectif de ce futur gouvernement économique devra être de lutter contre les déficits publics et donc garantir fermement la stabilité inflationniste.
Avez-vous entendu parler de création d'une industrie européenne dans le véhicule électrique? Avez-vous entendu parlé d'un investissement européen massif dans la santé, le transport, l'énergie renouvelable? Non rien de tout cela. On nous propose la rigueur et l'austérité à la place. Ce n'est plus tolérable car le fossé va se creuser encore plus entre les détenteurs de capitaux et ceux qui subissent. C'est donc la continuation d'un système profondément inégalitaire.
Comment en sortir?
Commencer par sortir de l'euro qui est un piège monétaire. En remettant notre souveraineté monétaire entre les mains de la BCE on a perdu toute possibilité d'ajuster notre économie à la conjoncture mondiale. On est soumis à une banque centrale qui décide pour toute la zone euro. Lorsqu'elle décide de lutter contre l'inflation elle fait le bonheur de l'Allemagne mais pas celui de la Grèce. L'allemagne, par l'intermédiaire de ses banques, étant le plus gros prêteur de la zone elle se garantit une stabilité de revenus. Mais la Grèce n'ayant pas la possibilité d'ajuster sa monnaie ne peut plus faire vivre son industrie touristique puisque celle-ci, devenant à prix égal pour toute la zone euro, se voit entrer en concurrence avec les économies touristiques émergentes telle la tunisie, le Maroc, la Turquie. Ayant moins de recettes elle ne peut plus rembourser sa dette. D'où sa dégradation financière qui l'entraine dans un gouffre sans fin. D'autant plus qu'on l'oblige à rester dans la zone euro et qu'on lui impose un plan d'austérité! Exactement tout le contraire de ce qu'il faudrait faire. On voit donc bien que ce dogme de la monnaie unique pour des économies aussi divergentes n'est pas tenable et finalement ne profite qu'aux créanciers, qu'aux banksters, qui se voient garantis dans toute la zone euro une rentabilité définie et stable quelles que soient les conjonctures économiques. Que du bonheur pour les banksters et la potion amère pour les peuples.
Et puis il faut en profiter pour tout remettre sur la table. Revoir toute notre construction européenne qu'on a voulu nous imposer sur le seul dogme libéral. Et revenir à des convergences de coopérations voulues economiquement. Garder l'euro peut-être en tant que monnaie de réserve pour les banques et pour les échanges internationaux, mais redonner leur souveraineté monétaire aux nations! Ainsi elles n'auront plus de dettes et pourront donc envisager une autre politique que la fuite en avant vers le libéralisme sans fin. C'est la priorité. Il est temps de tout reconstruire devant la faillite de cette Europe et ce sur tous les plans: démocratique, institutionnelle,financière, croissance, emploi,...Nous sommes les derniers dans le monde ou presque malgrè notre puissance économique phénoménale puisque nous sommes la première zone économique mondiale. Il y a donc un problème non? Comment peut-on être visiblement aussi fort et pratiquement aussi faible dans le monde? Tout simplement parce qu'on nous dépouille méthodiquement de nos souverainetés pour les remettre entre les mains d'intérêts privés qui ne partagent pas notre vision du modèle social et humain c'est le moins que l'on puisse dire. Il faudra donc envisager, comme le font tous les autres blocs économiques de par le monde, un protectionnisme social et environnemental.
Pourtant l'on sait que l'Europe est indispensable dans la monde globalisé. Si l'on veut peser de notre poids dans les échanges mondiaux il nous faut nous unir. Certes mais nous unir sur un projet collectif et sur une défense d'un modéle social moderne et humain pour les peuples. Les USA sont gangrénées à la tête par une oligarchie financière anglo-saxonne qui trouve son intérêt dans cette Europe et qui fait tout pour sa perpétuation. Obama s'est personnellement impliqué pour faire pression sur l'Allemagne et sauver l'euro. Pourquoi selon vous?... Alors avant d'aller au clash il serait bien que nos politiques mettent enfin ce débat sur la table comme le font certains d'entre eux, sauf dans les deux grands partis dominants où la pensée européiste verrouille toute tentative de débat.
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