Ambiance de campagne
(pour paraphraser Emmanuelli). J'y ai vu le visage des militants, le
visage des gens d'en bas. Car oui, ce qui apparait de plus en plus
dans la Loire, et selon ce que d'autres m'ont dit dans bon nombre de
départements français; c'est une "lutte" entre la base et nos
instances dirigeantes.
Le mot qui m'est revenu le plus souvent est: "Parole". Elles et ils
ont soif de parole, de pouvoir exprimer leur vécu, leurs expériences,
leurs joies ainsi que leurs peines. Un exemple qui me revient en tête
résume l'ensemble de la frustration que ressentent les militants :
c'est celui de Yves qui m'exprimait la douleur que lui avaient causée
les mots de H. Emmanuelli. Il est malheureux de ne pas pouvoir
partager la joie et la force qu'il a ressenti grâce au meeting du
Zénith ; car autour de lui les tenants de la pensée dominante
humilient ceux qui osent ne pas aboyer avec les loups contre Ségolène.
Il m'a dit aussi cette phrase déchirante pour cet homme de conviction:
"je suis protestant et m'entendre être comparé à un sectaire, cela me
fait mal, mais je n'ose rien dire".
La majorité des militants que les analystes appellent le "ventre mou"
des votants, en ont assez que l'on parle et pense à leur place, mais
le parti est si verrouillé qu'ils ont peur de se rebeller, de plus bon
nombre sont des adhérents de longue date, conditionnés par de longues
années de formatage militant. On en arrive à ce comportement extrême,
pavlovien: "vote ce que je te dis de voter". Beaucoup d'élus
considèrent les militants de leurs fédérations respectives comme leur
propriété. Ce constat nous l'avons tous fait.
Mais attention, croire que parce que nous offrons au travers de notre
motion la possibilité de changer les choses, ils vont tous massivement
voter pour nous, c'est à coup sûr se réveiller avec "une gueule de
bois". Car la peur renvoie en général à un vote conservateur. Il faut
expliquer ce qu'apporte et change notre motion, mais parallèlement il
faut rassurer, cajoler même, les militants. N'oublions pas ce qu'ils
subissent.
Nous avons la chance d'avoir la force et la joie qu'apporte la
conviction en notre mouvement et en ce que véhiculent Ségolène Royal
et toute son équipe. Et parfois cela nous empêche d'avoir l'empathie
nécessaire avec ceux qui doutent. Les convaincre ne suffit pas, car
ils sont tellement sollicités ou perdus que la "sédimentation" n'a
souvent pas le temps de se faire et le lendemain ou surlendemain ils
se remettent à douter et tout est à refaire. Le combat que nous
livrons va au-delà des idées il est avant tout humain. Regardons le
désarroi de nos camarades ; ils connaissent nos propositions, mais
pour autant vont-ils mieux? Adhèrent-ils fièrement et ouvertement en
masse?
Les dirigeants de notre parti ont trop souvent oublié l'humanisme que
le socialisme nous commande. Par ses discours Ségolène parle au
cerveau des gens mais aussi au coeur(et l'âme selon les convictions de
chacun), elle a placé l'humain au centre de sa contribution et de
cette motion. Le dilemme de certains militants est tel que plusieurs
m'ont demandé si le vote sera bien secret pour ne pas subir les
réprimandes d'autres militants si on apprenait qu'ils avaient voté
pour une motion où figure Ségolène.
Une campagne est une guerre non létale ; nous y sommes confrontés et
mêlés. Nos adversaires s'y plongent à corps perdu. Notre force, et ce
qui fera sûrement la différence pour bon nombre de militants, sera
notre capacité à marier nos talents de leaders avec ce qui exprime
notre humanité. Ségolène a prononcé le maître-mot de toute cette
campagne: Fraternité!
Gilles Rossary-Lenglet Animateur DA de la Loire